samedi 23 août 2008

Agrocarburant au Guatemala

ICRA News

Au Guatemala comme dans d’autres pays du Sud, les communautés indigènes et l’environnement paient très cher l’expansion des agrocarburants, qui s’accompagne de déboisement, de déplacements forcés, de menaces, d’arrestations illégales et même de meurtres. 

L’organisation Salva la Selva dénonce une situation qui dure depuis trois ans dans une zone dénommée "Finca de los Recuerdos" où l’entreprise Ingenio Guadalupe a défriché des terres indigènes pour y établir des plantations de canne à sucre destinées à la fabrication d’éthanol. 

Au milieu de la crise alimentaire et de la hausse des prix des aliments, le 30 juin de cette année 60 familles keqchi de La Isla, Caserío el Morador Serrano, Corazón de Maíz et Teleman Punto 15, à Panzos, ont essayé de récupérer une partie de leurs terres pour y cultiver des produits alimentaires

En réponse, selon Salva la Selva ils ont été attaqués par des paramilitaires associés à l’entreprise. Au cours de cette attaque on a tiré sur eux d’un hélicoptère ; un homme de 35 ans, père de trois enfants, a été blessé et il a dû être hospitalisé. Le lendemain, les familles et les représentants de l’organisation paysanne CUC ont organisé une manifestation pacifique, pendant laquelle ils ont été attaqué une fois de plus par des paramilitaires accompagnés de deux représentants d’Ingenio Guadalupe. Il y a eu des coups de feu, des menaces de mort, et deux femmes ont été illégalement arrêtées."Dans la zone de Coatepeque aussi il y a eu des attaques semblables à cause de l’expansion du palmier à huile pour la production de biodiesel. 

D’après les informations fournies par le CUC et par l’organisation internationale des droits de l’homme Rights Action, ces événements sont représentatifs de ce qui se passe aujourd’hui partout au Guatemala. Les membres du CUC font la déclaration suivante : "Nous dénonçons que le gouvernement n’a pas de mesures claires pour faire face à la crise alimentaire et à la hausse des prix, et nous le rendons responsable de la réaction et des actions que la population puisse entreprendre face à l’aggravation de la crise"

Les mesures adoptées à ce jour ont été favorables aux intérêts des agro-industries, pour que celles-ci "obtiennent de façon illégale des terres qui appartiennent à des communautés indigènes, en faisant appel à la violence des paramilitaires et même des forces de sécurité de l’État pour déplacer les communautés"

La destruction environnementale et la violation des droits de l’homme sont encouragées par le système financier mondial : en janvier de cette année, la Banque interaméricaine de développement (BID) a approuvé des crédits qui permettent au gouvernement du Guatemala de mettre en place une stratégie nationale en matière d’agrocarburants. Inévitablement, cela va se traduire par davantage de défrichements, d’appropriations de terres, de déplacements forcés, de violations des droits des communautés indigènes... 

La BID est un des principaux investisseurs dans l’expansion des agrocarburants en Amérique latine, et elle s’apprête à accorder des crédits privés pour une valeur de trois milliards de dollars. Rights Action exhorte à s’adresser à la BID pour dénoncer la situation et réclamer la suspension immédiate de tout soutien et de tout financement de la production d’agrocarburants au Guatemala, dans une lettre qui se termine ainsi : "La production d’agrocarburants au Guatemala a aggravé le déboisement et la désertification, et elle accélère le changement climatique. Elle accroît aussi la faim et viole les droits territoriaux des communautés indigènes, en augmentant la répression violente"

mercredi 20 août 2008

Etat d’urgence face à une révolte indienne au Pérou


Pérou :  Etat d’urgence face à une révolte indienne 

par Jean-Pierre Boris 


Le gouvernement péruvien du président Alan Garcia a décrété lundi l’état d’urgence pour une période de trente jours dans les régions amazoniennes secouées depuis une semaine par la révolte des populations indiennes. 

Peintures de guerre sur le visage, portant arcs et flèches, plusieurs milliers d’Indiens de la forêt amazonienne péruvienne sont sur 

le pied de guerre. Ils demandent l’abrogation d’une série de lois et de décrets permettant la vente de terres, qu’ils considèrent comme 

leur appartenant, à des entreprises péruviennes ou étrangères, qui exploiteraient les ressources forestières ou pétrolières qui s’y trouvent. 

Selon les estimations d’économistes péruviens, les seules richesses forestières se monteraient à trois milliards cinq cents millions de dollars.

 Sur le plan économique, l’enjeu est d’importance. Mais les Indiens ne voient pas les choses de la même manière. Pour eux, les terres sont un héritage historique doté d’une dimension divine. La terre est la « mère nourricière ». Elle ne peut être divisée et vendue. Elle est inaliénable. 

Selon les traditions indiennes, le gouvernement péruvien est donc hors-la-loi. Et le soulèvement de ces derniers jours est donc parfaitement légitime. Ce faisant, les Indiens renouent avec une vieille tradition péruvienne. Dans les années 1960- 1970, de très importants soulèvements avaient eu lieu dans les Andes. De nombreuses communautés indigènes s’étaient emparées des terres sur lesquelles vivaient leurs familles 

depuis des siècles. Sur un plan chronologique, ce conflit était la suite, après de très nombreux épisodes, de la conquête de l’empire Inca par les conquistadores espagnols. 

Flambée des cours des matières premières 

L’actuel affrontement oppose toujours le pouvoir centralisateur - le gouvernement de Lima - à des Indiens, mais ce ne sont pas les mêmes.

 Cette fois-ci, il s’agit des tribus amazoniennes. Ce sont des groupes beaucoup moins nombreux que les indiens des Andes. Les 65 « ethnies » 

pour reprendre la terminologie qu’emploient eux-mêmes ces groupes, rassemblent environ 12 000 personnes qui vivent dans la forêt 

amazonienne, rassemblées dans de petites bourgades. 

L’entrée en conflit de ces groupes est donc la conséquence directe de la flambée des cours des matières premières sur les marchés mondiaux, en particulier le bois et le pétrole. Des gisements encore inexploités, des zones forestières pas encore concédées, sont désormais 

rentables, malgré leur éloignement relatif des zones de consommation. Logiquement, le gouvernement péruvien s’emploie à attirer de grandes entreprises à même d’exporter ces matières premières et de lui verser des royalties. Grand producteur de métaux précieux et non- 

ferreux, le Pérou a réussi à profiter de cette manne au cours des dernières années, amenant une croissance économique forte, même si les inégalités sociales persistent. 

Cette opposition entre deux visions du monde explique la difficulté du dialogue entre les deux camps. D’un côté, les groupes indiens qui ont occupé l’une des principales routes du pays reliant les zones andines aux zones amazoniennes, des stations de pompage pétrolier et deux 

dépendances d’une entreprise argentine exploitant le gisement de gaz géant de Camisea. Ces Indiens ont interrompu les négociations avec les représentants du gouvernement. Ils exigent d’avoir face à eux, non pas un modeste ministre de l’Environnement, mais le président Alan 

Garcia lui-même, son premier ministre Jorge del Castillo et le président du Congrès. Côté gouvernemental, on ne raisonne évidemment pas de la même manière. La raison d’Etat prime. Il faut exploiter ces régions et assurer l’ordre public. C’est pourquoi, face à la radicalisation des 

mouvements indiens, le président Garcia a convoqué dimanche un conseil des ministres et pourquoi depuis lundi, l’état d’urgence a été décrété dans les régions qui s’agitent, près de Cuzco, au sud-ouest du pays, et bien plus au nord encore. 

« Complot contre le pays » 

Cependant, loin de calmer la situation, la décision d’imposer l’état d’urgence n’a fait que l’exacerber. Selon Alberto Pizango, qui préside l’Association interethnique de développement de la forêt amazonienne, « nous sommes prêts à mourir pour nos terres. Ce serait un honneur. 

Nous ne reculerons pas. Si le gouvernement veut nous tuer, qu’il le fasse mais nous lutterons pour faire savoir au monde que le gouvernement viole les droits de l’homme. » Le discours d’Alberto Pizango et des dirigeants indiens est pour les autorités péruviennes cousu de fil blanc. Il s’agit d’un « complot contre le pays », a estimé le Premier ministre Jorge del Castillo qui s’explique ainsi la cohérence du mouvement. L’hostilité gouvernementale s’explique aussi par l’implication de partis politiques d’opposition dans ce mouvement. Ainsi, le parti nationaliste de l’ancien candidat populiste à la présidence, Ollanta Humala, estime les manifestations indiennes « légitimes ». Et coïncidence ou pas, le mouvement des Indiens de l’Amazonie péruvienne a démarré au lendemain de la réunion à Lima de la Coordination andine des peuples indigènes. Cette Coordination avait protesté contre la « criminalisation du mouvement de contestation sociale » au Pérou et l’avait attribuée à « la politique discriminatoire et répressive déclenchée contre ceux qui refusent la globalisation néolibérale en Amérique latine. » 


Article publié le 19/08/2008 Dernière mise à jour le 19/08/2008 à 13:39 TU Page 1 sur 2http://www.radiofranceinternationale.fr/actufr/articles/104/article_70993.asp 

samedi 9 août 2008

Réagissez !

ICRA News

Dans le nord-ouest du district fédéral de Brasilia (Brésil) - bassin du Paranoá qui entoure la capitale, la réserve indigène du "Bananal" est aujourd'hui menacée par un projet immobilier.

En effet, c'est sur cette réserve (délimitée il y a plus de 30 ans) que le gouvernement prévoit de créer un nouveau quartier résidentiel de luxe pour 40 000 habitants à hauts revenus. Le projet prévoit une construction "écologique" du nouveau quartier et garantit la préservation de certains "îlots" pour les amérindiens. 

Évidemment cela ne saurait suffire à garantir aux indigènes de la région le droit de disposer de leur terre - sacrée qui plus est - ni même à garantir le maintien des écosystèmes déjà fragilisés par la proximité de la capitale...bref, c'est la survie des peuples amérindiens habitant la région qui s'en trouve menacée.

Il faut souligner que cette réserve accueille souvent de nombreux peuples amérindiens qui trouvent "gîte et couvert" dans la région lorsqu'ils viennent des quatre coins du Brésil pour défendre leurs droits et l'intégrité de leurs terres devant le parlement et le gouvernement brésilien lorsqu'ils sont eux-mêmes menacés. 

Urbaniser cette région revient à renier l'existence de la réserve actuelle et des peuples qui y habitent mais reviendra également à fragiliser toute l'organisation de la résistance et des mouvements protestataires des communautés amérindiennes du Brésil pour lesquelles il deviendra difficile de se rendre à Brasilia afin de plaider eux-mêmes leurs causes devant les autorités ! 

Pourtant, aussi bien les anthropologues que les experts en urbanisme comme les défenseurs de l'environnement et ceux des peuples indigènes et des droits de l'homme affirment tous que ce projet n'est que le fruit de spéculation immobilière à grande échelle et tous en condamnent le principe même.

Une commission des droits de l'homme du sénat brésilien discute aujourd'hui même du projet et l'IBAMA (Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables) rendra sa décision le 15 août quant à l'autorisation d'urbanisation (ou licence d'installation) de cette région.

ICRA vient d'envoyer un courrier de protestation aux autorités brésiliennes.

Vous pouvez apportez votre soutien aux Amérindiens menacés par ce projet immobilier en signant la pétition mise en ligne sur petitiononline.