vendredi 30 janvier 2009

ICRA News

Au Forum social mondial de Belem, les Indiens des neuf pays amazoniens ont appelé mercredi à forger une alliance mondiale pour mettre fin au pillage de la forêt amazonienne et pour protéger leur mode de vie.

Le premier jour des débats du Forum social mondial, qui compte une participation record de 2.000 indigènes, a été entièrement consacré à cette région “ stratégique du point de vue géo-politique pour le monde ”, selon les organisateurs du FSM.

Un rituel en hommage à la “ Terre-mère ” sur le campus de l'Université fédérale du Para (Ufpa), situé sur les bords du fleuve Guama, a donné le coup d'envoi aux débats.
“ Donnons-nous la main pour célébrer la vie dans un autre monde possible ”, a prêché un Equatorien, tandis qu'il aspergeait le public d'eau, “ l'une des principales richesses de la région ”.

Un des objectifs des débats de mercredi est d'amplifier le dialogue entre les peuples originaires de la région (indigènes et afro-descendants notamment) qui exigent le respect de leurs territoires, de leurs langues, de leurs cultures et de leur spiritualité pour atteindre le “ bien-vivre ”.
“ Ce bien-vivre signifie moins de marchandises, moins de consommation, moins de pollution et la création d'Etats pluriethniques ”, a déclaré le Péruvien Miguel Palacin, de la Coordination des organisations indigènes (Caoi). Les indigènes revendiquent entre autres des systèmes de santé et d'enseignement différenciés.
“ Cela signifie également pouvoir choisir le modèle de développement que nous souhaitons ”, a-t-il ajouté, en affirmant: “ Les multinationales entrent dans nos territoires, avec la connivence de nos gouvernements et parfois l'appui des paramilitaires, et déplacent nos populations ”.
“ Nous faisons appel à la solidarité mondiale pour mettre fin au pillage ” de l'Amazonie qui va vers la destruction, a-t-il lancé.
La plus grande forêt tropicale de la planète s'étend sur 5,5 millions de kilomètres carrés, dont 60% au Brésil, et est partagée entre neuf pays (Bolivie, Brésil, Colombie, Equateur, Guyana, Pérou, Surinam, Venezuela et Guyane française). Dans la seule Amazonie brésilienne vivent 25 millions de personnes.
Mais cette forêt, qui abrite le plus grand réservoir de biodiversité au monde et joue un rôle essentiel dans l'équilibre climatique de la planète, a déjà perdu 17% de sa surface originelle, sous la pression de la puissante agro-industrie (culture du soja, élevage) et de l'exploitation forestière illégale.

Selon le scientifique brésilien Adalberto Verissimo, si les déboisements atteignent 30% de l'Amazonie, “ on entrera dans un processus irréversible et les conséquences seront catastrophiques pour la vie sur la planète Terre ”, a-t-il dit, en appelant à “ prendre d'urgence des mesures pour contenir la déforestation ”.
L'organisation écologique Greenpeace a aussi appelé “ à stopper la déforestation d'ici à 2015 et à soutenir le Fonds pour l'Amazonie ” lancé l'an dernier par le Brésil.
“ Dans l'Etat du Mato Grosso (centre-ouest), les déboisements sont entièrement dus à la création de pâturages pour l'élevage bovin ”, a assuré Rebecca Lerer, de Greenpeace.

Les écologistes critiquent aussi les grands projets de centrale hydro-électrique de plusieurs milliers de mégawatts en Amazonie, et préconisent le développement de petites centrales ainsi que des projets solaires et éoliens plus respectueux de l'environnement et des habitants.

Pour plus d'informations

 Les alterblogeurs du fsm
 Le site du fsm de Belem 2009

mardi 6 janvier 2009

ICRA News


Doucement mais sûrement la forêt amazonienne brésilienne perd du terrain. En douze mois, la végétation tropicale a encore reculé de 11 968 km2, soit une accélération du rythme de la déforestation de 3,8 % en un an. Le ministre de l'environnement du Brésil, Carlos Minc, considère pourtant que “la déforestation est stabilisée”.

L'essentiel des destructions est illégal. La législation actuelle ne parvient à arrêter ni les tronçonneuses ni les incendies volontaires, et les défenseurs de l'environnement se mobilisent pour empêcher la révision du Code forestier, qui pourrait, disent-ils, être fatale à la forêt. Ils ont face à eux le puissant lobby de l'agrobusiness, qui assure manquer de terres pour répondre à la demande.

A Brasilia, le Congrès discute actuellement de la diminution de la “réserve légale” instaurée par le Code forestier, cette part de végétation sauvage que tout propriétaire doit préserver, sur une parcelle située dans le bassin amazonien. Cette réserve passerait de 80 % à 50 % de la surface. Le Sénat a approuvé cette disposition en décembre 2007, au lendemain de la conférence sur le climat de Bali. La commission de l'environnement de la Chambre des députés, dominée par des représentants du monde rural, pourrait l'imiter avant la fin de l'année, mais les débats y sont tendus.

Les gros fermiers font pression, semble-t-il, pour compenser des dispositions qui gênent l'extension de leurs plantations de soja et de leurs pâturages. Par exemple, la récente résolution de la banque centrale, qui refuse d'accorder un crédit rural aux producteurs ayant illégalement déboisé leurs propriétés.

“Le gouvernement doit clarifier sa position”, estime José Sarney Junior, député du Parti vert et membre de la commission parlementaire, “car il hésite entre laisser la frontière agricole avancer sur la forêt et préserver le rôle d'une région qui rend service à la planète entière”. L'importance du secteur agricole, premier exportateur mondial de soja et de viande, a cependant souvent incité les autorités de Brasilia à donner raison au monde rural.

La reformulation du Code, dont certains alinéas datent de 1934, est nécessaire, mais Carlos Minc s'est déclaré opposé à la réduction des réserves, en accord, assure-t-il, avec le président Luiz Inacio Lula da Silva.
Dans le nouveau projet, les ruralistas (lobby agricole) ont pour l'instant obtenu la possibilité de replanter sur la partie déboisée des espèces dites “exotiques”, étrangères au milieu naturel, par exemple des palmiers qui assureraient un bon rendement aux propriétaires. Ceci au grand dam des écologistes.

Ce sont les Etats brésiliens de l'Amazonie, rongés par l'agriculture intensive, qui battent les records de déforestation. Cette année, la moitié des destructions a eu lieu dans l'Etat du Para. Selon le ministère de l'environnement, seules trois des trente-six municipalités où se concentrent l'abattage des arbres et la lutte contre la déforestation ont respecté la loi de 80 %. Brasil Novo n'a conservé que 17,47 % de sa forêt.

“Nous ne croyons pas que la loi puisse sauver l'Amazonie, la preuve nous en est apportée quotidiennement”, reconnaît Marcio Astrime, de Greenpeace Brésil. ”Mais si la loi est affaiblie, les effets seront pires encore.” L'organisation non gouvernementale (ONG) a lancé une campagne contre le projet de révision du Code forestier, dénonçant “une réforme opportuniste.” qui conforte l'impunité de ceux qui détruisent.

Le projet propose en effet de “débloquer la situation actuelle” en offrant aux auteurs des destructions de compenser les dommages en préservant, “ailleurs”, une surface équivalente. “Mieux vaut rentabiliser les aires déjà endommagées et conserver celles qui sont encore intactes, au lieu de détruire la nature en damier”, argumente le sénateur du Para, auteur de la réforme du Code forestier, Flexa Ribeiro, qui affirme que son projet initial ne réduisait pas la réserve légale.

Les écologistes sont, quant à eux, partisans de la rémunération des propriétaires qui conservent la réserve en assurant une exploitation durable. Dans leur Pacte pour la valorisation de l'Amazonie, neuf ONG brésiliennes et internationales ont proposé de “rétribuer la forêt sur pied” pour parvenir à l'objectif de “déforestation zéro” en 2015. Conscient des enjeux se concentrant autour de l'Amazonie, le président Lula a annoncé un plan de lutte contre la déforestation comportant pour la première fois des objectifs chiffrés.

Il s'agit de réduire les destructions de 40 % d'ici 2010, un objectif jugé “peu sérieux” par Greenpeace. Le président brésilien a également annoncé un objectif de diminution de la déforestation de 70 % d'ici 2018.

“Le point de non-retour en Amazonie est proche, estime Gilvan Sampaio, de l'Institut national de recherche spatiale, qui observe par satellite la déforestation. Si 30 % de la forêt étaient encore détruits, cet écosystème cesserait d'exister, remplacé par un autre - une sorte de savane. ” Au rythme actuel, la moitié des arbres aura disparu en 2050.
Annie Gasnier, Le Monde