Une nouvelle crise alimentaire menace de faire exploser l'Afrique de l'Ouest (Paru dans le Journal "Le Temps" 29 fevrier 2008)
Un pouvoir d'achat misérable et la cherté des céréales provoquent déjà des émeutes de la faim, notamment au Burkina.
Les pays sahéliens subiront une nouvelle crise alimentaire dans les prochains mois. Ce n'est pas cette fois le manque de vivres sur les marchés de l'Afrique de l'Ouest
qui en est la cause, mais leurs prix. Le riz, le pain, le sorgho, le haricot ou le maïs, tous des aliments de base, ont atteint des prix prohibitifs, lesquels ne cessent de grimper.
Mauvaises récoltes et prix en hausse
L'arrivée sur les marchés de la moisson précédente aurait pourtant dû faire baisser les prix des produits locaux depuis janvier. Mais à cause d'une saison des pluies tardive,
qui s'est terminée prématurément par des inondations dans toute l'Afrique de l'Ouest, les récoltes ont été médiocres.
De plus, la hausse constante des prix des céréales d'importation pèse lourdement sur les budgets familiaux.
Les déficits de production et la hausse des prix étranglent le pouvoir d'achat, déjà très faible, des populations de la région. Le salaire minimum moyen est de 42 euros par mois.
Au Burkina Faso, un plat de haricot, cultivé localement, valait 100 francs CFA (15 centimes) il y a quelques mois. Il en coûte aujourd'hui 250 francs CFA.
Au Mali, la baguette de pain fabriquée à partir de blé d'importation, longtemps vendue à 100 francs CFA, est cédée à 150. Au Niger, les boulangers ont bien tenté de substituer le blé par le mil ou le maïs, mais les prix de ces céréales ne cessent, eux aussi, de croître.
En outre, spéculation aggravante mais classique en la circonstance, les commerçants se constituent des réserves qu'ils espèrent revendre lorsque les prix seront au plus haut.
La grogne populaire s'installe, tandis que les dirigeants semblent impuissants ou indifférents. Fin 2007 déjà, des émeutes ont eu lieu au Burkina Faso, au Mali, au Niger
et au Sénégal, dénonçant la perte de pouvoir d'achat.
Malnutrition en progrès
En conséquence, les plus démunis, et ils forment la grande majorité des populations urbaines ou villageoises, ne peuvent plus se nourrir correctement.
Faute de pouvoir acquérir les aliments les plus élémentaires, nombre de familles sautent le plus souvent des repas ou se nourrissent de feuilles, de baies, d'herbes
ou d'autres aliments sauvages. La malnutrition, déjà endémique en Afrique de l'Ouest (un enfant sur cinq en meurt avant d'atteindre 5 ans), devrait prendre rapidement
des proportions alarmantes.
Parmi les pays les plus pauvres du monde, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad sont les plus touchés. Mais des régions du Sénégal, du Togo et du Bénin
le sont également. Si des mesures urgentes ne sont pas prises dès aujourd'hui, la catastrophe éclatera dans toute son ampleur lors de la «période de soudure», en mai-juin,
lorsque les familles auront épuisé leurs réserves alimentaires et financières. Même le maïs, aliment de base sur lequel se replient généralement les populations pauvres en cette période, est annoncé à des prix exorbitants.
Ouverture aux OGM
En 1990, l'écart entre la production et la demande de céréales en Afrique subsaharienne était de 9 millions de tonnes. En 2020, il se creusera à 27 millions. Petit à petit, les pays prennent conscience de l'ampleur du défi alimentaire et cherchent des solutions. En janvier, les chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest ont pris une décision historique: ils ont adopté les organismes génétiquement modifiés (OGM). Ils souhaitent développer des variétés de plantes qui requièrent moins d'eau, qui résistent aux maladies et qui donnent un meilleur rendement.
«L'Afrique de l'Ouest n'a pas d'autre choix que d'augmenter la productivité du millet et du sorgho, qui y constituent l'alimentation de base», explique Thérèse St. Peter de la Fondation Syngenta, une officine du semencier bâlois. La fondation a un centre de recherche à Bamako, capitale du Mali, qui travaille sur l'amélioration des variétés de plantes locales par diverses techniques.
Selon Thérèse St. Peter, la majorité des pays africains ne sont pas prêts à adopter les OGM. Pour l'heure, il n'y a que l'Afrique du Sud qui ait passé des lois portant sur la biosécurité. C'est aussi le seul pays à produire un maïs transgénique. Depuis trois ans, le Burkina Faso, avec l'aide de la Banque mondiale, cultive un coton modifié sur une base expérimentale.
L'Organisation mondiale pour l'alimentation (FAO) n'a pas de position claire sur les OGM. Elle estime que toute décision sur leur adoption doit être prise en consultation avec les associations écologistes, et les agriculteurs. En 2004, son directeur, le Sénégalais Jacques Diouf, avait cependant affirmé que les OGM n'étaient pas une priorité en Afrique.
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