samedi 12 juillet 2008

Nouvelles du Brésil

« Je sers même d’engrais pour ma terre mais d’elle je ne sortirai pas » Samado Pataxo Ha Ha Hae.

 

Le CIMI (Conseil Indigène Missionnaire) duquel je fais partie propose cette année le thème de réflexion : la Terre, c’est la vie. La terre est pour les Indiens le lieu habité par leurs traditions et leur culture, la référence fondamentale de leurs valeurs vitales, les entrailles de leurs mythes, le champ de leur histoire, la survie de leur quotidien, l’espèce où se réalise la vie en plénitude. Sans la garantie de la terre il n’est pas possible que ces peuples puissent vivre. Le gouvernement fédéral est responsable de la démarcation des terres indigènes ainsi que du respect de leur périmètre. À cause des manquements du gouvernement, leurs terres sont constamment envahies par des chercheurs d’or et de bois précieux, par des grands propriétaires terriens, provoquant des situations de violence extrême. En 2007, il y a eu au moins 86 assassinats d’Indiens. Il existe, d’après des informations du CIMI, plus de 850 réserves indigènes au Brésil. À peine 343 sont cadastrées et seulement 49 sont démarquées officiellement. Pour éveiller une solidarité toujours plus grande avec les Indiens, nous visitons les écoles, les paroisses, les groupes pastoraux et leur proposons DVD, CD et autre matériel qui peut aider pour une réflexion, information, conscientisation et appui aux peuples autochtones.

 

Et me voilà depuis 4 mois à Poranga dans l’état du Ceara pour une nouvelle insertion avec les Indiens en compagnie de Cineide qui enseigne depuis 2 ans à l’école des Indiens Tabajara et donne aussi de son temps pour visiter les villages des alentours. La région montagneuse est une merveille et, c’est véhiculée par une moto que j’ai déjà fait la connaissance de trois groupes d’une même tribu, les Potyguara. Lors des réunions que nous avons faites avec eux, s’est exprimée une forte demande que nous les accompagnions dans le processus de démarcation de leurs terres, fondée sur cette conviction vitale que la terre c’est toute leur vie. Je me retrouve dans une réalité et lutte très semblables à celles des Tumbalala et Tuxa que je n’ai pas aimé quitter, soit dit en passant, surtout que je n’ai pas été remplacée. Nous habitons à 70 km de la ville la plus proche, Gratens. Ici je découvre une réalité nouvelle. Les Indiens habitent la périphérie de la ville et la perspective de retourner sur leurs lieux d’origine n’existe plus. La ville avec ses problèmes et difficultés est devenue leur milieu de vie après avoir été expulsés de leurs terres depuis des générations. Les défis sont nombreux.

 

Et le gouvernement fédéral concrétise avec frénésie son Plan d’Accélération de Croissance (PAC). Son alliance sociale et politique avec le négoce agricole tient une place importante dans l’exportation et l’équilibre de la balance commerciale. Un faux discours « vert » incite la monoculture de la canne à sucre pour la production d’agrocarburant dans le Sud. Des usines embauchent illégalement de jeunes mineurs en falsifiant leurs papiers d’identité. Les contrôleurs mobiles ont surpris une usine en flagrant délit : 498 travailleurs ont été libérés dont 150 Indiens qui vivaient dans des conditions d’esclavage et ont décrit leur vie comme « un vrai enfer ». Le déboisement sauvage de l’Amazonie est une autre conséquence des accords avec le capital pour la monoculture du soja et l’élevage. Entre 2003 et 2006, 94% de la croissance de l’élevage se sont déroulés en Amazonie. Avec la construction de barrages, usines hydroélectriques, routes et la transposition des eaux du fleuve Sao Francisco, un total de 201 chantiers du PAC ont un impact dans les tribus indiennes sans parler du désastre pour la flore et la faune.

 Jacqueline, 27 juin 2008

 

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