vendredi 19 juin 2009

Une lettre du Brésil


Extrait de la lettre de Jacqueline, en poste à Poranga (état du Céara) auprès de plusieurs peuples amérindiens, le 20 mai 2009



Depuis une année, en mission dans l'état du Céara, région Nordeste du Brésil, et de présence auprès de différentes ethnies indiennes, les découvertes que je fais élargissent mes horizons. La richesse culturelle du langage, les habitudes alimentaires, la manière d'accueillir l'étrangère, la résistance culturelle et séculaire des Indiens, la vie commune avec Cinéide, sont autant de chemins pour accueillir la différence et ses défis. Je reprends volontiers ce que nos soeurs d'Afrique nous ont fait partager le temps d'une retraite spirituelle : " Vivre le temps de Pentecôte où les différences deviennent des richesses. C'est plus beau quand on a des couleurs différentes dans des insertions différentes. Quand vous avez la chance de vivre une expérience multiculturelle, réjouissez-vous de cette richesse comme une chance."


Cette richesse que je vis au quotidien est aussi faite de défis qui souvent s'enchaînent entre eux. Celui du climat semi-aride, avec une sécheresse de plus de 8 mois dans l'année, modèle la vie dure et résistante des humains, des animaux et de la végétation. L'eau, élément très précieux, est utilisée pour l'usage domestique et autres, avec un savoir-faire très économe. Des projets, comme la construction de citernes pour récupérer l'eau de pluie, permettent d'avoir de l'eau potable d'une année à l'autre. Les indiens Potiguara ont bénéficié récemment d'un puits de plus de 80 m de profondeur, d'où "jaillit la vie, la joie des adultes, des enfants, des potagers, des animaux" comme ils disent. Mais malheureusement le gouvernement ne favorise pas ces projets. Le détournement des eaux du fleuve S. Francisco, dit-il, est la solution pour résoudre le problème de la sécheresse du Nordeste. Mais il est prouvé qu'une grande quantité de cette eau ne sera pas destinée à la population mais utilisée pour l'irrigation de monocultures, l'élevage de crevettes pour l'exportation, l'usine métallurgique qui se construira sur la terre des indiens Anacé. Ces derniers sont menacés d'expulsion et le cimetière de leurs ancêtres a déjà été profané par les machines des entreprises de construction. Avec les Anacé ce sont aussi les Potiguara, les Kariri et les Tabajara qui souvent souffrent des situations de racisme et de discrimination. Tantôt ils sont accusés d'être contre le développement, tantôt leurs droits acquis par la Constitution fédérale ne sont pas respectés ou encore ils sont persécutés et menacés de mort à cause de leur lutte et de leur résistance. Mais avec beaucoup de courage et une grande solidarité, ils affrontent tous ces défis et nous avec eux. ..


La crise économique mondiale ne touche pas le pays, persiste à dire le président Lula. Et pourtant le chômage ne cesse d'augmenter. Secrètement on peut espérer que cette crise aura une répercussion sur le Programme d'Accélération de Croissance (PAC) du gouvernement fédéral dont les travaux de détournement des eaux du fleuve S. Francisco font partie. 


Au début de ce mois s'est tenue à Brasilia une rencontre nationale "Terre libre" de représentants de plus de 110 tribus. En présence des autorités du gouvernement fédéral, les Amérindiens ont revendiqué avec fermeté la démarcation des terres, acte vital et fondamental pour leur survie, alors que l'année dernière aucun des 300 territoires en attente n'a été démarqué. Plus de 400 indigènes de notre région ont remis au Ministre de la Justice un document qui dénonce les violations des droits ethniques et territoriaux causés par les travaux du détournement du fleuve Sao Francisco et exige l'arrêt immédiat de ces travaux. 







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